À quelles valeurs faire appel pour,
demain, fonder l’humain ?
Comme
point de départ, je[1] retiendrais
une conférence organisée vers la fin de l’année 2012 à la mairie du IIème
arrondissement de Paris et intitulé « Demain, quels humains ? ». Le magazine
Science et Avenir y avait alors invité Roger-Pol Droit et Monique Atlan
(auteurs récents de « Humain : enquête sur ces révolutions qui
vont changer nos vies »).
L’article
de présentation que proposait le magazine posait quelques bonnes questions – «
quel monde humain nous voulons, et quelles valeurs peuvent le fonder ?
Qu’est-ce qu’on encourage ou interdit, et pour quels motifs ? etc. » Mais il ne
se situait évidemment pas dans une perspective transhumaniste. Je vous propose
donc de revisiter un instant ce questionnement et de suivre quelques pistes
divergentes de celles balisées par les auteurs pour essayer de discerner les
critères qui pourraient déterminer nos choix.
Tout
d’abord, en réponse à la question centrale du transhumanisme – Que conserver de
l’humain ? – je propose de considérer que ce qui compte vraiment, au fond du
fond, et compte tenu du degré de développement qu’elle a atteint chez notre
espèce, c’est la conscience que nous avons de nous-même.
Sans
cette conscience, en effet, nous serions indifférents à nous-même. Comme pour
la plupart des autres animaux, ce sont principalement nos instincts de survie
et de reproduction, notre programme génétique, qui nous pousseraient à
poursuivre l’aventure de notre espèce, mais, ignorant la certitude de notre
disparition individuelle et collective à venir, nous n’en concevrions ni aucune
angoisse, ni aucun espoir. Je pose donc que, chez l’humain, c’est la conscience
qui, par-dessus tout, donne sens à l’existence.
Par
conscience[2],
il faut ici entendre « conscience supérieure » au sens où la définissent les
neuroscientifiques comme Jean-Pierre Changeux, Antonio Damasio ou Gérald Edelman.
La
conscience est un produit du cerveau
Les
processus qui conduisent à l’émergence de la conscience existent à des degrés
divers dans le règne animal et diverses espèces, notamment chez les mammifères
supérieurs, semblent dotés d’une conscience élémentaire d’eux-mêmes qui leur
permet de se projeter dans un avenir à court terme voire de passer un test
comme le « test du miroir », mais, sur
Terre, seul l’humain nous paraît doté d’un degré de conscience permettant de se
projeter non seulement sur sa vie entière mais encore dans son passé historique
et dans son futur lointain.
Le dernier livre du biologiste
britannique Chris Frith, « Making up the Mind », constitue sous une
forme très accessible, une des thèses « monistes » la plus radicale à ce jour.
Rappelons
que, par thèse moniste, on désigne une thèse qui s'oppose aux arguments
spiritualistes ou dualistes selon lesquels l'esprit et la conscience sont chez
l'homme d'une essence distincte de celle de la matière cérébrale.
Celui-ci
formule avec ce que l'on pourrait appeler une clarté particulièrement
aveuglante la thèse fondamentale de la psychologie évolutionnaire, qui devrait
semble-t-il s'imposer à tous ceux qui prétendent discourir scientifiquement sur
le cerveau, l'esprit, la conscience et le prétendu libre-arbitre.
L'auteur
le fait dans le prologue (p. 17). Traduisons son propos : « La distinction
entre le mental et le physique est fausse. Il s'agit d'une illusion créée par
le cerveau. Tout ce que nous savons du monde physique, de notre propre corps et
de notre monde mental, vient de notre cerveau. Mais nous n'avons pas de
relations directes avec les objets ou les idées. En nous cachant le travail de
(re)construction du monde auquel il procède, notre cerveau nous donne
l'illusion de cette relation directe. Il nous fait croire également que notre
monde mental est indépendant du monde et nous appartient en propre. A travers
cette double illusion, nous nous ressentons comme des « agents » capable d'une
action autonome sur le monde. Dans le même temps cependant notre expérience du
monde, construite par le cerveau, a été partagée depuis des millénaires par des
organismes analogues aux nôtres, d'où est née la culture humaine qui à son tour
modifie le fonctionnement du cerveau sans qu'il s'en rende compte »[3]
.
« Au
demeurant, Damasio tient à montrer qu'il n'est pas réductionniste. Pour lui, la
biologie des relations entre le corps et l'esprit, la neurophysiologie des
émotions et des sentiments (des passions), ouvre des perspectives morales
considérables. Est-ce que connaître nos émotions et nos sentiments peut nous
conduire à mieux vivre, atteindre un état de "contentement",
d'accomplissement, qui était selon lui celui de Spinoza. C'est parce que
Spinoza avait atteint cet état, nous dit Damasio, que malgré sa santé fragile,
il a pu réaliser une œuvre aussi sereine, aussi prémonitoire des grandes
discussions philosophiques et morales qui allaient se généraliser au siècle des
Lumières. A la question qu'il se pose à lui-même, Damasio répond positivement.
Découvrir, grâce aux recherches qu'il nous propose, quels sont les ressorts
profonds de nos sentiments et de nos pensées nous aidera à rechercher cet état
d'accomplissement sans lequel la vie n'est guère supportable.
Une grande variété de parades aux
disfonctionnement dont nous souffrons pourra être envisagée, ceci dès les
prochaines décennies. Mais ce sera aussi au plan collectif, celui de la
politique et la morale sociales, que ces recherches seront utiles. Les
mécanismes régulateurs de l'activité sociale ont été en général développés par
l'évolution depuis des millions d'années. D'autres sont récents, datant de
quelques millénaires, et se cherchent encore dans le désordre. Mais les
problèmes qu'affrontent aujourd'hui l'humanité se compliquent considérablement.
Une évaluation systématique des mécanismes régulateurs s'impose de façon de
plus en plus pressante. Les remèdes aux disfonctionnements collectifs, par exemple
l'addiction aux drogues et la violence, seront plus complexes que ceux
applicables aux individus. Connaître l'esprit humain de façon plus scientifique
aidera à trouver ces solutions. Il ne servira à rien de vouloir imposer aux
gens des conduites ou des sacrifices qu'ils se seront pas en état de
comprendre. On peut par contre espérer que, mieux informés par la science, ceux
qui s'attacheront à traiter les grands problèmes sociaux, et les individus
impliqués eux-mêmes, trouveront des voies d'espoir vers un meilleur état
d'équilibre et de "contentement" »[4].
Notez
que le vivant, qui, d’un point de vue matérialiste, semble être apparu par
hasard (en tout cas, nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure d’en cerner les
déterminismes), produit des choix qui sont soit eux-mêmes le fruit d’autres
hasards, ou chaos, soit issus de combinaison de déterminations biologiques et
environnementales.
En
échange, le « Conscient », lui, commence à raisonnablement envisager de montrer
son indépendance par rapport au vivant biologique. Il prouvera véritablement
cette indépendance le jour où il se sera rendu capable de développer un support
de conscience autre que celui dont il est originaire (l’hypothèse de
l’uploading, ou téléchargement de la pensée sur un support informatique, n’est
que le plus en vogue et le plus avancé de ces développements spéculatifs mais
on pourrait en imaginer d’autres).
Tout
le reste de notre corps, qui, certes, semble bien participer à l’émergence et à
la définition de notre conscience, est susceptible d’évolution, de
transformation progressive à travers le temps ou les générations, jusqu’à
aboutir éventuellement à un stade où il serait très différent du corps que nous
connaissons aujourd’hui. Ce corps pourrait être augmenté de diverses façons de
manière à améliorer ses facultés sensorimotrices, cognitives ou émotionnelles
mais toutes ces modifications n’auraient guère de sens en elles-mêmes. Elles ne
se justifieraient que dans la mesure où elles contribueraient à la meilleure
persévérance et au meilleur développement/épanouissement de la conscience.
RD
[1]
Auteur : Marc Roux, http://blog.transhumanistes.com/2013/02/que-conserver-de-lhumain.html
[2] Pour
une bonne synthèse de travaux et d’essais relativement récents de définition de
la conscience, j’invite à consulter l’article de Jean-Paul Baquiast et
Christophe Jacquemin : « La conscience vue par les neurosciences
», Automates Intelligents, oct. 2008.
[4] La
thèse d'Antonio Damasio sur les origines de l'esprit et de la conscience a été formalisée
dans deux ouvrages principaux : « The Feeling of What Happens » suivi
par «Looking for Spinoza». http://www.automatesintelligents.com/echanges/2008/dec/conscience.html
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