mercredi 4 septembre 2013

SCIENCE ET QUÊTE DE SENS DE LA CONDITION HUMAINE




Jean Staune a écrit à partir d’un livre intitulé « Science et Sens » sur son site Internet[1], une réflexion qui permet de retracer le cheminement de la condition humaine de la Préhistoire de l’Homme jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit d’une rencontre entre les connaissances les plus récentes et les intuitions millénaires des hommes.

« Nous venons de fêter le cinquantième anniversaire de la disparition de Saint-Exupéry ; l’une de ses dernières lettres était intitulée "Que faut-il dire aux hommes ?" et c’est d’elle que nous partirons pour voir comment, un demi-siècle après, cette interrogation peut être développée.

Pour Saint-Exupéry, la question clé était celle des fondements. Dans un monde où l’on sait de mieux en mieux "comment" faire les choses, on sait de moins en moins "pourquoi" les faire. La perte de la dimension spirituelle de l’existence humaine, la réduction de celle-ci aux seuls problèmes de production et de consommation, la réduction du monde à sa seule dimension matérielle et technique — celle des choses au détriment de la prise en compte des liens entre les choses — ouvrent selon lui un gouffre qui engloutira notre civilisation et avec elle toute forme d’humanisme... À moins que ce mouvement puisse être inversé.

Nous devons donc retrouver des liens pouvant nous unir aux autres, à la nature, à l’univers et même à nos activités de consommation et de production de notre vie de tous les jours, liens susceptibles de construire une civilisation qui sauvegardera l’humanisme auquel nous aspirons. »

Le 18 décembre 1994, lorsque Jean-Marie Chauvet et ses deux compagnons pénètrent dans la grotte de Vallon-Pont-d’Arc, ils savent immédiatement que la découverte de ce "nouveau Lascaux" va faire le tour du monde. Mais l’information la plus importante est passée en grande partie inaperçue : ce n’est pas l’existence de ces merveilleuses peintures datant de près de 30.000 ans avant notre ère - car on connaissait déjà les qualités artistiques des hommes préhistoriques - mais ce crâne d’ours trônant sur une sorte d’autel entouré d’un cercle de trente autres crânes d’ours.

Participant trois ans auparavant à un colloque du CNRS et ayant fait allusion à l’hypothèse selon laquelle la première religion aurait été un culte de l’Ours, je me fis rembarrer en ces termes par l’un des grands paléontologues français : « La religion de l’ours c’est l’ours lui-même qui l’a inventée ! C’est parce que les ours sont venus mourir dans des grottes auparavant habitées par des hommes que l’on a cru que les ossements d’ours avaient été volontairement mélangés à ceux des morts par les hommes préhistoriques. » La grotte Chauvet, en démontrant de façon irréfutable l’existence de ce culte de l’ours, détruit cette argumentation.

Pourquoi est-ce si important ? Des chercheurs venant d’horizons aussi divers qu’un historien des religions comme Mircea Eliade, un zoologiste comme Pierre-Paul Grassé, un ethnologue comme Jean Servier sont tous d’accord pour affirmer qu’Homo sapiens est avant tout un "Homo religiosus". C’est le fait de développer une religion, d’enterrer ses morts avec des parures et des fleurs, de leur rendre un culte et d’être conscient de sa propre finitude qui sépare définitivement l’homme de l’animal. Or, si la plus ancienne religion dont on puisse avoir la trace est bien un culte de l’ours, cela indique qu’à l’image de l’ours qui paraît mourir chaque hiver et qui "ressuscite" de façon "énigmatique" à chaque printemps, les hommes préhistoriques croyaient à la survie des morts, ce que confirment les traces de nourritures que l’on a relevées dans de très anciennes sépultures.

C’est une caractéristique fondamentale de la condition humaine que de s’interroger sur le pourquoi des choses qui nous entourent et sur notre propre destinée. On sait que pendant des millénaires, l’homme, devant les phénomènes inexpliqués qu’il voyait autour de lui : tempêtes, volcanisme, tonnerres, maladies, etc... ne pouvait faire autrement que d’en attribuer la cause à l’action de forces invisibles qui, bien que ne faisant pas partie du monde, avaient un impact sur le monde. C’est ainsi que naquirent les dieux. L’existence d’un culte de l’ours semble montrer qu’à ce premier concept s’est très vite joint un deuxième : celui de la survie de l’homme après la mort.

Après tout, cela est parfaitement logique : puisque le monde est constamment agité par les conséquences d’actes d’esprits que l’on ne voit pas, ce qui implique qu’ils existent dans un autre niveau de réalité que celui que nous percevons et où nous vivons, pourquoi ne pas penser que, de même que nous sommes apparus un jour dans ce monde (puisque l’on constate l’arrivée d’êtres qui auparavant n’étaient pas là) , quand nous quittons ce monde quelque chose de nous-même rejoint cet autre niveau de réalité. Sous des formes plus développées, toutes les grandes traditions religieuses de l’humanité ont repris ces deux concepts : le monde où nous vivons ne peut pas être expliqué à partir de lui-même.

Il y a une incomplétude radicale de ce monde : sans l’intervention des Esprits, des dieux ou de Dieu il n’y a pas d’explication cohérente du Monde qui tienne. Pour l’expliquer il est donc nécessaire de faire appel à un autre niveau de réalité dont on ne sait presque rien ... sauf qu’il doit forcément exister. Et s’il y a un autre niveau de réalité, une autre façon d’exister que celle que nous éprouvons tous les jours, il est logique de penser que nous rejoignons ce niveau après notre mort.

L’existence d’un autre niveau de réalité et l’existence d’un lien particulier entre l’homme et cet autre niveau apparaissent donc comme les intuitions majeures de l’humanité, celles qui furent présentes en tout temps et en tous lieux.

Pour bien comprendre son point de vue, il y a lieu de lire son texte au complet, intitulé : « Que faut-il dire aux hommes ?

RD

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