Sur
un plateau virtuel, dans des décors très graphiques évoquant un urbanisme du
futur, Annie-Claude Elkaim présente deux heures d'émission et introduit un
chapitre après l'autre. En parallèle, d'éminents chercheurs, démographes et
prospectivistes livrent leurs analyses, sans verser dans le catastrophisme mais
avec lucidité, et sans hésiter non plus à bousculer les idées reçues. Au-delà
des chiffres, des reportages fouillés, tournés sur tous les continents,
illustrent leurs propos et apportent une dimension concrète à leur vision
prospective. Enfin, des scénarios croqués sous forme de BD par Jean-Marc Kisler
dévoilent la réalité de futurs possibles à l'horizon 2030 ou 2050. Denses et
claires, ces deux heures de réflexion critique sur les enjeux démographiques
contemporains sont constamment palpitantes, ouvrant des perspectives inédites
pour dessiner une nouvelle carte du monde.
En
2050, la population mondiale atteindra 8 milliards d’individus. Une croissance
qui sera inégalement répartie : si le vieillissement touche toute la planète,
la population jeune sera plutôt concentrée hors d’Europe. L’espérance de vie
augmente partout - à l’exception de l’Afrique subsaharienne - et ressemble de
moins en moins à une pyramide : la part des personnes âgées augmente de façon
rapide et très importante. Et cette transformation de la pyramide des âges est
encore plus accentuée dans le reste de l’Europe qu’en France.
Certains
effets de seuils sont primordiaux à comprendre. Pour garder un ratio
supportable entre population active et population retraitée en France, il
faudrait que l’immigration apporte 1 million d’entrées nettes par an entre
maintenant et 2050. Rappelons par comparaison que le chiffre officiel des
entrées nettes par l’immigration n’est que de 100 000 personnes par an.
Pour Vincent Caradec, professeur en sociologie à
l’université de Lille 3, co-auteur de « Sociologie de la vieillesse et du
vieillissement », il faut interroger la notion de “senior”. Qu’est-ce qu’un
senior ? On se trouve face à une multiplicité de définition si l’on essaye d’y
intégrer les barrières mouvantes de l’âge. Parle-t-on des 50 ans et plus ? Des
60 ans et plus ? Des 55-64 ans ? On parle de seniors pour désigner les plus de
45 ans dans l’entreprise ! Parfois, “seniors” est synonyme de personnes âgées,
parfois au contraire il est son antonyme et s’oppose aux “vrais vieux”. Le
terme possède certains mérites : il est neuf et cherche à traduire les
changements importants qui interviennent lors de la période de retraite.
Ces changements, quels sont-ils ?
- Une expansion importante et rapide du temps de retraite ;
- Une augmentation de l’espérance de vie des plus de 60 ans ;
- La baisse de l’âge de la cessation de l’activité, en France notamment, par une culture de la sortie précoce du monde du travail.
La
durée moyenne de retraite a augmenté : la retraite a cessé d’être l’antichambre
de la mort pour devenir une nouvelle étape de l’existence, une étape valorisée
et attendue, une “nouvelle jeunesse” qui mise sur le temps libre. Des
changements extrêmement importants sont intervenus dans les pratiques et
les modes de vie. Les seniors sont en bien meilleure santé, plus actifs. Ils
ont perdu, dans un certain nombre de domaines, de leur spécificité par rapport
aux plus jeunes : par exemple, le taux de départ en vacances des seniors a
dépassé en 2004 le taux de départ de la moyenne des Français. A la suite du
sociologue Anthony Giddens, on parle d’ailleurs de “société
rajeunissante” pour désigner ces personnes “âgées” qui deviennent de plus en
plus jeunes.
Mais
ce nouveau terme de “seniors” a aussi des inconvénients. La catégorie est trop
large : l’ensemble des seniors est hétérogène, tant du point de vue de l’âge
(du quinquagénaire au nonagénaire) que du point de vue du sexe, de la condition
sociale… De plus, bon nombre de gens ne se reconnaissent pas sous cette
étiquette.
Après
avoir analysé les significations du mot “senior”, Vincent Caradec expose la
manière dont le rapport au monde se traduit au fur et à mesure qu’on avance en
âge.
Un
concept important dans ce domaine est la “déprise” explique-t-il. Au fur et
mesure qu’on vieillit, on se trouve confronté à des contraintes de plus en plus
fortes. Cela se caractérise par l’abandon de certaines activités, mais qui
peuvent être remplacées par d’autres. Si certaines activités sont abandonnées,
c’est pour pouvoir mieux conserver celles auxquelles on tient le plus. “La
déprise est un processus actif de reconversion”. Ainsi, par exemple, on
continue à effectuer une activité, mais sur une plus petite échelle (on réduit
la taille de son jardin potager, ou on limite sa participation à une
association…) ; on trouve des substituts (on ne va plus à la messe, mais on la
regarde à la télévision)…
La
déprise n’est pas un processus systématique et inéluctable. Elle intervient en
fonction de certains évènements déclencheurs : problèmes de santé,
amoindrissement de l’impulsion vitale, baisse des opportunités d’engagements,
baisse des sollicitations… Parfois les enfants s’inquiètent du maintien de
certaines activités et souhaitent voir leurs parents les abandonner (l’usage de
la voiture par exemple). La déprise se construit dans l’interaction entre la
personne âgée et son entourage, son environnement, et, pour certaines personnes
âgées, la déprise n’intervient pas ou peu (exemple d’Henri Salvador qui se
produisait sur scène à 90 ans ou bien Manoel De Oliveira qui tourne encore des
films à 100 ans).
Chez
les plus âgés, se développe aussi un sentiment d’étrangeté au monde. Comme
disait Claude Lévi-Strauss, dans un entretien à l’âge de 96 ans : “Nous sommes
dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai aimé avait 1,5
milliard d’habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d’humains. Ce n’est
plus le mien. Et celui de demain, peuplé de 9 milliards d’hommes et de femmes,
même s’il s’agit d’un pic de population, comme on nous l’assure pour nous
consoler, m’interdit toute prédiction.
Face à cette étrangeté croissante
du monde, soit on cherche à rester dans la course (par exemple les personnes
âgées qui se mettent à internet) soit on crée au contraire un milieu protecteur
pour contrebalancer. Le vieillissement se caractérise en fait par un maintien
des “prises” sur le monde alors qu’elles tendent à se dérober : des prises qui
tiennent à la fois d’activités réelles et également d’une sensation, d’un
sentiment d’appartenance.
RD
Meilleurs astuces santé et vie.
RépondreSupprimerBienvenue sur le Site de Santé Et Vie ! La personne qui n’accorde pas,
chaque jour, un peu de temps à sa santé, devra, un jour,
sacrifier beaucoup de temps à la maladie.
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