dimanche 8 décembre 2013

L’impact du vieillissement des populations de la terre à l’horizon 2030 - 2050




 Sur un plateau virtuel, dans des décors très graphiques évoquant un urbanisme du futur, Annie-Claude Elkaim présente deux heures d'émission et introduit un chapitre après l'autre. En parallèle, d'éminents chercheurs, démographes et prospectivistes livrent leurs analyses, sans verser dans le catastrophisme mais avec lucidité, et sans hésiter non plus à bousculer les idées reçues. Au-delà des chiffres, des reportages fouillés, tournés sur tous les continents, illustrent leurs propos et apportent une dimension concrète à leur vision prospective. Enfin, des scénarios croqués sous forme de BD par Jean-Marc Kisler dévoilent la réalité de futurs possibles à l'horizon 2030 ou 2050. Denses et claires, ces deux heures de réflexion critique sur les enjeux démographiques contemporains sont constamment palpitantes, ouvrant des perspectives inédites pour dessiner une nouvelle carte du monde.

En 2050, la population mondiale atteindra 8 milliards d’individus. Une croissance qui sera inégalement répartie : si le vieillissement touche toute la planète, la population jeune sera plutôt concentrée hors d’Europe. L’espérance de vie augmente partout - à l’exception de l’Afrique subsaharienne - et ressemble de moins en moins à une pyramide : la part des personnes âgées augmente de façon rapide et très importante. Et cette transformation de la pyramide des âges est encore plus accentuée dans le reste de l’Europe qu’en France.

Certains effets de seuils sont primordiaux à comprendre. Pour garder un ratio supportable entre population active et population retraitée en France, il faudrait que l’immigration apporte 1 million d’entrées nettes par an entre maintenant et 2050. Rappelons par comparaison que le chiffre officiel des entrées nettes par l’immigration n’est que de 100 000 personnes par an.

Pour Vincent Caradec, professeur en sociologie à l’université de Lille 3, co-auteur de « Sociologie de la vieillesse et du vieillissement », il faut interroger la notion de “senior”. Qu’est-ce qu’un senior ? On se trouve face à une multiplicité de définition si l’on essaye d’y intégrer les barrières mouvantes de l’âge. Parle-t-on des 50 ans et plus ? Des 60 ans et plus ? Des 55-64 ans ? On parle de seniors pour désigner les plus de 45 ans dans l’entreprise ! Parfois, “seniors” est synonyme de personnes âgées, parfois au contraire il est son antonyme et s’oppose aux “vrais vieux”. Le terme possède certains mérites : il est neuf et cherche à traduire les changements importants qui interviennent lors de la période de retraite.

Ces changements, quels sont-ils ?

  • Une expansion importante et rapide du temps de retraite ;
  • Une augmentation de l’espérance de vie des plus de 60 ans ;
  • La baisse de l’âge de la cessation de l’activité, en France notamment, par une culture de la sortie précoce du monde du travail.

La durée moyenne de retraite a augmenté : la retraite a cessé d’être l’antichambre de la mort pour devenir une nouvelle étape de l’existence, une étape valorisée et attendue, une “nouvelle jeunesse” qui mise sur le temps libre. Des changements extrêmement importants sont intervenus dans les pratiques et les modes de vie. Les seniors sont en bien meilleure santé, plus actifs. Ils ont perdu, dans un certain nombre de domaines, de leur spécificité par rapport aux plus jeunes : par exemple, le taux de départ en vacances des seniors a dépassé en 2004 le taux de départ de la moyenne des Français. A la suite du sociologue Anthony Giddens, on parle d’ailleurs de “société rajeunissante” pour désigner ces personnes “âgées” qui deviennent de plus en plus jeunes.

Mais ce nouveau terme de “seniors” a aussi des inconvénients. La catégorie est trop large : l’ensemble des seniors est hétérogène, tant du point de vue de l’âge (du quinquagénaire au nonagénaire) que du point de vue du sexe, de la condition sociale… De plus, bon nombre de gens ne se reconnaissent pas sous cette étiquette.

Après avoir analysé les significations du mot “senior”, Vincent Caradec expose la manière dont le rapport au monde se traduit au fur et à mesure qu’on avance en âge.

Un concept important dans ce domaine est la “déprise” explique-t-il. Au fur et mesure qu’on vieillit, on se trouve confronté à des contraintes de plus en plus fortes. Cela se caractérise par l’abandon de certaines activités, mais qui peuvent être remplacées par d’autres. Si certaines activités sont abandonnées, c’est pour pouvoir mieux conserver celles auxquelles on tient le plus. “La déprise est un processus actif de reconversion”. Ainsi, par exemple, on continue à effectuer une activité, mais sur une plus petite échelle (on réduit la taille de son jardin potager, ou on limite sa participation à une association…) ; on trouve des substituts (on ne va plus à la messe, mais on la regarde à la télévision)…

La déprise n’est pas un processus systématique et inéluctable. Elle intervient en fonction de certains évènements déclencheurs : problèmes de santé, amoindrissement de l’impulsion vitale, baisse des opportunités d’engagements, baisse des sollicitations… Parfois les enfants s’inquiètent du maintien de certaines activités et souhaitent voir leurs parents les abandonner (l’usage de la voiture par exemple). La déprise se construit dans l’interaction entre la personne âgée et son entourage, son environnement, et, pour certaines personnes âgées, la déprise n’intervient pas ou peu (exemple d’Henri Salvador qui se produisait sur scène à 90 ans ou bien Manoel De Oliveira qui tourne encore des films à 100 ans).

Chez les plus âgés, se développe aussi un sentiment d’étrangeté au monde. Comme disait Claude Lévi-Strauss, dans un entretien à l’âge de 96 ans : “Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai aimé avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte 6 milliards d’humains. Ce n’est plus le mien. Et celui de demain, peuplé de 9 milliards d’hommes et de femmes, même s’il s’agit d’un pic de population, comme on nous l’assure pour nous consoler, m’interdit toute prédiction. 

Face à cette étrangeté croissante du monde, soit on cherche à rester dans la course (par exemple les personnes âgées qui se mettent à internet) soit on crée au contraire un milieu protecteur pour contrebalancer. Le vieillissement se caractérise en fait par un maintien des “prises” sur le monde alors qu’elles tendent à se dérober : des prises qui tiennent à la fois d’activités réelles et également d’une sensation, d’un sentiment d’appartenance.

RD


1 commentaire:

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